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Jean-Marie Bénézet - Directeur du Cercle d'Art contemporain du Cailar -
       
 

Nous étions tous les deux assis au bas des larges escaliers qui desservent les coursives du Grand Palais. C'est ce que nous avions trouvé de mieux pour discuter lors de notre rencontre. C'était à la Fiac, en 1990. Je ne sais plus s'il y avait des espaces Bar pour les Fiac du Grand Palais ou s'il n'y avait plus la place, mais le fait est que nous étions assis au bas de ces escaliers.
Il y avait comme un malentendu. La galeriste de Rémi, Elizabeth Krief, souhaitait qu'il participe à l'exposition que j'organisais depuis 1988 dans mon village. Deux de ces artistes, Jean-Paul Chambas et Lucio Fanti, comme deux des compagnons de route de Rémi, Hervé Di Rosa et François Boisrond, avaient déjà participé à cette exposition.
Je récitai ma leçon à Rémi Blanchard, lui indiquant pourquoi je faisais ça : le choix du thème lié à mon village, lieu de transhumance et de pâture des taureaux, mon intention de sensibiliser par ce thème, le taureau Camargue, un public rural à la création contemporaine, etc.
Rémi Blanchard écoutait poliment, sans m'interrompre, et après lui avoir tout bien expliqué, il me demanda le nombre d'œuvres souhaitées, leur format, les supports, les délais, des questions purement techniques. Je lui indiquai donc quantité, formats, supports et délais.
Il me demanda de lui fournir de la documentation et me dit qu'une fois le travail fait, il le donnerait à sa galerie.
À ce moment-là j'ai compris qu'il était temps de lui dire que, même si nous étions à la Fiac, il ne s'agissait pas d'une commande, car je n'avais pas le premier sou pour le premier dessin, que les œuvres étaient proposées à la vente, mais qu'elles ne se vendraient peut-être pas et, ma crainte de le voir refuser et ma grande envie de voir la poésie et le doux mystère de la peinture de Blanchard se pencher sur le taureau Camargue, je lui dis que je préférais qu'il ne participe pas s'il n'avait pas vraiement envie de faire ça.
À la fin de notre discussion au bas de l'escalier, nous avons convenu de nous rappeler.
C'était en fait le premier artiste que je contactais par le biais de son galeriste. Précédemment, les artistes m'avaient souvent emmené vers d'autres artistes, parfois jusqu'à leur galeriste, mais je ne m'étais jamais trouvé dans la position de quelqu'un qui passe commande, j'avai seulement eu le privilège d'une relation complice avec des artistes qui avaient envie de participer à cette aventure bien improbable.
Quelque temps plus tard, rendez-vous fut pris, rue Mazarine, à la galerie Krief. J'arrivai avec mes images, ma documentation sous le bras ; il arriva, impeccablement mis, comme lors de notre première rencontre, et me tendit une enveloppe kraft. " C'est pour vous !" J'ouvris, il y avait le dessin d'un taureau, marchant tête en l'air, l'air de quelqu'un qui sifflote. Avec trois coups de crayon il y avait toute la délicate force de son univers.
Nous noous sommes dit à peu près les mêmes choses que la première fois, mais plus longuement, en nous coupant la parole, souriant devant un café refroidi.
Je reçu au début de l'été quatre œuvres magnifiques pour cette quatrième édition de l'exposition d'été du Cailar ; l'une d'entre elles fit la une du quotidien régional, se vendit et je retournai les trois autres à regret à la galerie. À l'automne, j'enretrouvai une accrochée... à la Fiac.